COPROPRIÉTÉ: LE FONDEMENT LÉGAL DE L’INTERDICTION DES BBQ
SUR LES BALCONS ET LES TERRASSES
Élie Boridy, administrateur, Syndicat des copropriétaires du 995 Muir
Arrondissement Saint-Laurent, Montréal
Les règlements de tout immeuble en copropriété sont consignés dans la Déclaration de copropriété, un document notarié qui porte la signature des copropriétaires et auquel ces derniers sont légalement liés. Nos règlements, comme ceux de tous les immeubles semblables au nôtre, interdisent formellement toute cuisson sur les balcons et/ou patios attenant aux parties privatives. (Article 75 de la Déclaration de copropriété).
Il y a un fondement légal à cette interdiction. Dans la section suivante, nous avons compilé les lois, codes et règlements pertinents en vigueur au Québec et dans l’Arrondissement Saint-Laurent ainsi que les articles appropriés de notre Déclaration de copropriété. Ce document devrait nous convaincre à la fois du danger que nous courons en vivant avec des bouteilles de propane autour de nous, et de la base légale de notre règlement sur les BBQ.
Certains copropriétaires allèguent qu’ils n’avaient pas été avisés de l’existence de ce règlement lors de l’achat de leur unité ou que le promoteur (ou son représentant) leur avait «promis» que les BBQ seraient «tolérés». On le sait, nul ne peut invoquer l’ignorance pour justifier un acte interdit par la Loi. En signant les documents d’achat chez le notaire, tout copropriétaire est réputé avoir pris connaissance de la Déclaration de copropriété et avoir accepté de s’y conformer.
Quant aux affirmations et les promesses verbales du promoteur ou de ses représentants, elles ont déjà été réfutées dans une cause faisant jurisprudence dans les tribunaux du Québec. Cette cause opposait un syndicat de copropriétaires à un copropriétaire à qui le promoteur avait fait une promesse contrevenant à la Déclaration de copropriété (Jugement rendu par le juge Jean-Pierre Sénécal dans le dossier Syndicat des copropriétaires Estuaire I enr. c. Royal Asselin - dossier # 505-05005833-998, 9 janvier 2003).
Dans son jugement, le juge déclare en substance que le promoteur est lié par les dispositions de la Déclaration de copropriété et ne peut, à sa guise, accorder aux acheteurs d’une unité des permissions contraires à celle-ci. Le promoteur, comme tout autre, affirme le juge, doit respecter la Déclaration de copropriété.
Afin de dissiper tout malentendu au sujet de l'interdiction des BBQ dans notre immeuble et à la demande du Syndicat, le promoteur a adressé une mise au point aux copropriétaires, le 14 novembre 2005 dans laquelle il spécifie clairement:
«Lors de l’achat de vos condos, certains d’entre vous se seraient fait dire que les BBQ seraient tolérés alors que d’autres auraient été assurés que les BBQ seraient interdits.
Je tiens à dissiper tout malentendu en précisant que seuls votre Déclaration de copropriété et les autres documents légaux qui vous ont été remis par le notaire spécifient les règlements de l’immeuble et les conditions d’achat de vos unités. L’article 75 de votre Déclaration de copropriété stipule clairement qu’il est interdit de faire de la cuisson sur les balcons et patios de l’immeuble, en stricte conformité avec les différentes législations en vigueur dans l’Arrondissement St-Laurent.»
L’interdiction des BBQ sur les balcons de tout immeuble résidentiel de deux étages et plus repose sur l’obligation d’assurer la sécurité des personnes qui y résident car les BBQ impliquent l’utilisation, la manipulation et l’entreposage de bouteilles de propane, un combustible dangereux et sévèrement règlementé. L’interdiction découle d'une logique simple selon laquelle l’irresponsabilité ou la négligence d’un individu qui habite une maison unifamiliale n’engage que lui, alors que dans une habitation multifamiliale c’est tout le voisinage qui en est affecté.
Certains copropriétaires prétendent ou se sont fait dire par le promoteur (ou son représentant) que l'assemblée des copropriétaires pourrait éventuellement amender le règlement interdisant les BBQ sur les balcons et patios par un simple vote majoritaire. Même s’il était unanime, un tel vote serait illégal car il contreviendrait à toutes les législations en vigueur (voir la section suivante). Il engagerait ainsi la responsabilité du Syndicat qui aurait manqué à ses devoirs et à ses obligations et se serait placé dans une situation illégale.
Un autre argument est souvent avancé: puisque les BBQ sont «tolérés» dans quelques immeubles autour de nous, nous pourrions en faire de même. Le fait qu’un voisin pose un geste illégal qui semble être toléré ne nous confère pas le droit de poser le même geste. Par ailleurs, un copropriétaire qui ne se plaint pas officiellement de la présence d’un BBQ sur le balcon d’un voisin ne veut pas nécessairement dire qu’il la «tolère». Cela pourrait simplement dire que ce copropriétaire voudrait éviter les querelles et les chicanes de voisins. Non seulement les bouteilles de propane constituent en elles-mêmes un risque d’explosion, mais en cas d'incendie à l'intérieur d'un appartement, la chaleur générée pourraient transformer ces bouteilles en véritables bombes à retardement.
Les considérations financières sont aussi à considérer. Songeons aux augmentations des primes d’assurances individuelles et collectives qui pourraient découler de l’explosion d’une bouteille de propane et des poursuites légales qui s’ensuivraient.
Enfin, comme alternative au BBQ au gaz propane, on serait tenter de suggérer l’utilisation d’un BBQ électrique, relativement plus sécuritaire. Mais le BBQ électrique produit, tout comme le BBQ au gaz propane, de la fumée et des odeurs incommodantes. Là encore, la proximité des parties privatives rend cette utilisation illégale car elle contrevient au règlement municipal sur les nuisances.
Mais au delà de toutes les considérations précédentes, c'est le civisme et l'article 1063 du Code civil du Québec qui devraient guider le comportement de tout copropriétaire:
«Chaque copropriétaire dispose de sa fraction; il use et jouit librement de sa partie privative et des parties communes, à la condition de respecter les règlements de l’immeuble et de ne porter atteinte ni aux droits des autres propriétaires ni à la destination de l’immeuble.»
LOIS, RÈGLEMENTS ET CODES RÉGISSANT LES MATIÈRES DANGEREUSES ET LA SÉCURITÉ DES PERSONNES
La compilation présentée ci-dessous a été faite pour informer les copropriétaires du 995 Muir des lois et règlements en vigueur ainsi que du danger d’utiliser, de manipuler ou d’entreposer des matières dangereuses comme le gaz propane dans les habitations multifamiliales.
Déclaration de copropriété du 995 Muir
Article 75: Aucune cuisson, sous quelque forme que ce soit, ne sera faite sur le balcon et/ou patio attenant à une partie privative.
Article 75 : Chaque copropriétaire dont l’appartement comporte un balcon et/ou patio … devra éliminer tout contenu qui pourrait constituer une nuisance ou amener une augmentation des primes d’assurance-incendie.
Article 73.12: Les activités des copropriétaires et des occupants ainsi que leurs effets et accessoires ne devront jamais donner lieu à une augmentation de primes d’assurance ni à aucune augmentation de risque vis-à-vis les autres copropriétaires. Aucune partie de l’immeuble ne pourra être utilisée par quiconque à des fins qui pourraient entraîner l’annulation de l’une quelconque des polices d’assurance.
Article 74.8: Il ne devra être introduit dans l’immeuble aucune matière dangereuse …
Code National CSA-B149.2 portant sur l’emmagasinage et la manipulation du propane
Article 5.7.1: Excepté là où ce Code le permet, les bouteilles de propane
doivent être installées sur un socle solide, de niveau et imperméable,
reposant sur une surface bien tassée, au niveau du sol et comporter des
tuyaux de raccordement souples pour protéger les tuyaux et les tubes contre
tout tassement possible.
Cet article interdit clairement l’installation de bouteilles de propane
au-dessus du niveau du sol et par conséquent sur les balcons.
Article 5.7.2: Excepté là où ce Code le permet, une bouteille de propane doit être installée à l’extérieur d’un bâtiment, à au moins 3 pieds d’une ouverture dans le bâtiment (porte ou fenêtre) quand celle-ci est au-dessous de la soupape de décharge de la bouteille, et à au moins 10 pieds d’une source d’inflammation et d’une bouche d’air.
Selon ce Code, les sources d’inflammation comprennent une température de 50 degrés et plus, un interrupteur, une prise électrique, un téléphone cellulaire, de l’électricité statique, une flamme, une cigarette…
Cette seule exigence du Code de sécurité a amené un inspecteur de la Régie du bâtiment à forcer un copropriétaire récalcitrant de notre immeuble à retirer son BBQ de son balcon, en 2005. En fait, aucun des balcons ou patios du 995 Muir ne respecte cet article du Code National CSA-B149.2.
Article 5.5.1.2: Excepté là où ce Code le permet, une bouteille de propane ne peut être entreposée ou utilisée à l’intérieur d’une structure.
Code de sécurité de la Régie du bâtiment du Québec, L.R.Q., c. B-1.1, r. 0.01.01.1
Article 52: L'utilisation, l'entreposage et la distribution du propane dans des récipients doivent s'effectuer conformément aux dispositions du Code sur l'emmagasinage et la manipulation du propane, CSA-B149.2.
Article 53: Toutes les bouteilles entreposées, qu'elles soient pleines ou vides, sont considérées remplies au taux de remplissage maximal permis.
Code national de prévention des incendies du Canada
Article 4.2.4.4: Il est interdit de stocker des liquides inflammables ou des liquides combustibles sur des balcons extérieurs d’un bâtiment servant d’habitation.
Article 2.1.2.2: Il est interdit d’exercer dans un bâtiment des activités dangereuses et non prévues lors de la conception, à moins que des dispositions soient prises pour réduire les risques …
Règlement sur la sécurité dans les édifices publics, R. Q. c. S-3, r.4
Article 45: Dans tout édifice, les quantités entreposées de substances dangereuses, explosives, inflammables ou toxiques, doivent être limitées à celles requises pour l'entretien de l'édifice et l'opération de son équipement et aux besoins requis en fonction de sa destination. L'entreposage, la manipulation et l'utilisation des substances dangereuses permises dans un édifice public doivent être faits conformément au Code national de prévention des incendies du Canada.
Règlement 1115 sur la prévention des incendies de l’Arrondissement Saint-Laurent
Article 2: Le Code national de prévention des incendies du Canada… et ses
modifications et ajouts…
constituent le règlement sur la prévention en vigueur dans les limites de la
Ville.
Loi sur la sécurité incendie du Québec, L. R. Q., chapitre S-3.4
Article 4: Toute personne doit veiller à supprimer ou réduire les risques d'incendie en faisant preuve de prévoyance et de prudence à cet égard.
Loi sur la sécurité dans les édifices publics du Québec, L. R. Q., chapitre S-3
Article 12: Les édifices publics (incluant les édifices à condominiums), ainsi que tous les meubles et immeubles qui en dépendent, doivent être installés et entretenus de telle sorte que la vie des personnes qui y résident ou y ont accès soit efficacement protégée contre les accidents.