Le 995 Muir.com
Saint-Laurent, Québec

 

UN MANQUE D’ENTRETIEN QUI POURRAIT COÛTER CHER

Hugo de Grandpré (De Granpré et Joli-Cœur avocats)

(CondoLegal.com)


 

De nombreuses copropriétés québécoises accusent un retard important dans leur entretien et l’exécution de travaux majeurs, rendus nécessaires par l’usure du temps. C’est ce qui ressort d’une étude commandée en 2004 par le Regroupement des gestionnaires et des copropriétaires du Québec à la firme MCE Conseils. Une situation qui pourrait coûter cher aux copropriétaires… et aux administrateurs.

 

«Plusieurs immeubles sont mal construits. Et même lorsque la construction est de qualité, les copropriétaires et les administrateurs ont souvent sous-évalué les besoins d’entretien de ces immeubles ou n’ont pas suivi les règles en ce qui a trait au fonds de prévoyance». C’est ainsi qu’Yves Joli-Cœur, avocat spécialisé en copropriété divise, illustre la situation.

 

Les constats qui se dégagent de l’étude de la firme MCE parlent d’eux-mêmes. L’étude indique que considérant le fait que les immeubles requièrent un entretien et le remplacement de plusieurs composantes après environ 15 ans, les immeubles construits à la fin des années 1980 et au début des années 1990 entrent présentement dans une phase de travaux majeurs.

 

«L’étude du secteur indique que la qualité de certaines constructions est assez faible, permettant alors de prévoir l’avènement de rénovations majeures avant cette échéance», ajoute-t-on.

 

Or, en 2001, moins de 2% des logements construits en 1990 avaient fait l’objet de réparations majeures, selon les données de Statistique Canada. Seuls 2,6% des immeubles construits entre 1986 et 1990 faisaient état de tels travaux. Pour les immeubles datant de 1981 à 1985, la proportion était de 3,9%.

 

Des fonds insuffisants

Cet état de fait ne surprend pas Me Joli-Cœur. Les copropriétaires, fait-il remarquer, sont souvent réticents à débourser des montants importants dans l’entretien de l’immeuble, et «les sommes requises n’ont pas toujours été accumulées dans le fond de prévoyance afin de faire face aux réparations majeures à venir incessamment.»

 

«Dès lors, les besoins de financement pour travaux majeurs sont grands et dépassent souvent les capacités financières des copropriétaires», poursuit l’avocat.

 

La loi prévoit qu’un minimum de 5% de la contribution aux charges communes doit être versé dans le fonds de prévoyance destiné à ces éventualités. Toutefois, avec les coûts de tels travaux qui dépassent fréquemment plusieurs centaines de milliers de dollars, le fonds de prévoyance de la copropriété s’avère souvent insuffisant pour payer la note.

 

D’où, selon Yves Joli-Cœur, l’urgence «que des fonds soient développés et des sommes d’argent mises à la disposition des syndicats de copropriétaires afin de financer ces travaux. Ce genre d’opérations s’effectue en France, où des moyens de financement supplémentaires sont mis à la disposition des copropriétaires.»

 

La faute des administrateurs?

Le marché québécois de la copropriété est évalué à près de 300 000 unités, selon des évaluations actualisées de la SCHL. Avec une valeur moyenne d’environ 150 000 $ par unité, le patrimoine immobilier des copropriétaires atteindrait donc les 45 milliards de dollars.

 

Un patrimoine colossal mais qui, comme tout bien immobilier, nécessite un entretien constant.

 

Des intervenants du secteur, comme le conseiller en gestion André M. Benoît et l’architecte Georges Fallah, recommandent à ce titre des inspections régulières de l’immeuble ainsi que le recours aux services de professionnels. «Les gens, à l’aide de professionnels, devraient faire le tour de leur bâtiment au moins une fois par année», estime M. Fallah, président de G.A.P. Immeubles.

 

M. Benoît, de son côté, dénonce le manque de vigilance de certains administrateurs. «Il n’y a pas une bonne compréhension du fait que la conservation de l’immeuble et le maintien du capital des copropriétaires incombe au syndicat, déplore le co-auteur du Manuel de gestion d’un syndicat de divise au Québec, paru cette année aux éditions Wilson Lafleur. Trop souvent, ajoute-t il, les membres du conseil d’administration cèdent aux pressions politiques de copropriétaires, qui ne veulent pas que leurs frais de condos augmentent. C’est une grave erreur.»

 

Deux positions auxquelles souscrit Yves Joli-Cœur. «Des copropriétaires pourraient éventuellement être tentés de se plaindre du manque de vision des administrateurs pour ce qui est de l’entretien de l’immeuble et la constitution d’un fonds de prévoyance suffisant pour faire face aux réparations majeures. Une telle situation pourrait inciter les copropriétaires à poursuivre les administrateurs en défaut pour se faire dédommager d’une partie des sommes déboursées», met-il en garde.