Le 995 Muir.com
Saint-Laurent, Québec

 

LES ASSURANCES

Yves Joli-Cœur (avocat du cabinet de Grandpré-Chaurette-Lévesque, s.e.n.c.)


 

Combien de fois n’entendons-nous pas dans les médias que lors d’un incendie, un certain nombre de locataires ont été «jetés dans la rue» et qu’au surplus, aucun d’entre eux ne détenait une assurance, laissant entrevoir une situation pour le moins difficile pour ces personnes.

 

Les immeubles détenus en copropriété divise ne sont pas, eux non plus, à l’abri des sinistres, que ce soit le feu, la foudre, les inondations, les refoulements d’égouts, etc. Ainsi, compte tenu des particularités inhérentes à la copropriété divise, le législateur québécois a choisi d’imposer à la personne morale qui est le Syndicat de copropriétaires, l’obligation d’assurer l’immeuble contre les risques usuels, tels le vol et l’incendie.

 

Le législateur a donc prescrit, lors de l’entrée en vigueur du Code civil du Québec, des paramètres minimaux visant à garantir que l’immeuble soit assuré adéquatement. Ainsi, l’article 1073 C.c.Q. prévoit que le Syndicat a un intérêt assurable dans tout immeuble, y compris les parties privatives, et qu’il doit souscrire des assurances contre les «risques usuels», tels le vol et l’incendie, couvrant la totalité de l’immeuble, à l’exception des améliorations apportées par un copropriétaire à sa partie privative, lesquelles demeurent de la responsabilité des copropriétaires pris individuellement.

 

L’article 1073 C.c.Q. prescrit également que le montant de l’assurance doit correspondre à la valeur à neuf de l’immeuble. Il en découle, selon nous, que le conseil d’administration doit requérir, d’un évaluateur professionnel, un certificat de valeur de remplacement de l’immeuble, afin d’éviter que l’assureur limite la couverture du risque en deçà de la «valeur à neuf» et ce, pour tous les risques assurés.

 

Les commentaires du ministre de la Justice accompagnant l’entrée en vigueur du nouveau Code civil indiquent que l’article 1073 C.c.Q. «vise à éviter les problèmes juridiques et pratiques liés aux assurances insuffisantes, à la responsabilité des réparations en cas de sinistre, aux conflits entre experts relativement à l’évaluation du préjudice, etc.». Nous devons y voir également, à notre avis, une intention d’éviter pour l’avenir les conflits entre l’assureur du Syndicat et les assureurs des copropriétaires, en ce qui concerne la couverture d’assurance.

 

Bien qu’il s’agisse là des seules mentions expressément prévues au Code civil, nous croyons que les obligations imposées au Syndicat sont plus étendues. Ainsi, en spécifiant que l’immeuble doit être assuré «contre les risques usuels», nous sommes d’avis qu’il y a obligation implicite de souscrire une couverture «tout risque» et non une seule assurance-incendie.

 

De même, bien que cela ne soit pas expressément mentionné, nous croyons que le Syndicat a une obligation implicite de souscrire également des assurances contre le bris de machinerie, dans les cas qui l’exigent, ainsi qu’une assurance responsabilité des administrateurs et dirigeants. Cela découle notamment de l’obligation imposée aux membres du conseil d’administration d’agir, dans le cadre de leurs fonctions, de façon prudente et diligente (art. 322 du Code civil du Québec).

 

Quant aux copropriétaires, le Code n’indique aucune obligation formelle. L’article 1074 C.c.Q. prévoit uniquement que la violation, par un copropriétaire, d’une des conditions du contrat d’assurances détenu par le Syndicat ne peut être opposable à ce dernier. Certains copropriétaires y voient malheureusement une opportunité de «laisser-faire» et négligent d’apporter le soin requis à leurs biens ou équipements. Soulignons seulement le cas des copropriétaires qui causent des dommages à autrui (chauffe-eau défectueux ou non remplacé à l’expiration de sa durée de vie, fenêtres laissées ouvertes, etc.), source de nombreux problèmes pour le Syndicat. Rappelons que ce dernier est habilité à poursuivre ces copropriétaires fautifs pour recouvrer la franchise (la portion «déductible») de la couverture d’assurance.

 

Il en découle, selon nous, que dans l’appréciation et la négociation de la couverture d’assurance du Syndicat, une attention particulière devrait être apportée au montant de la franchise, afin qu’il soit le mieux adapté à votre copropriété. Le courtier devrait normalement être en mesure de conseiller adéquatement les membres du conseil d’administration à cet égard, compte tenu des particularités de chaque copropriété.

 

En ce qui concerne la gestion des sinistres, l’article 1075 C.c.Q. prévoit que dans l’éventualité d’une «perte importante», l’indemnité en vue de la reconstruction ou la réparation de l’immeuble est versée à un fiduciaire nommé dans l’acte constitutif de copropriété ou, à défaut, désigné par le Syndicat. Cette indemnité doit obligatoirement servir à la reconstruction ou réparation, sauf si le Syndicat décide de mettre fin à la copropriété.

 

Le fiduciaire a pour rôle de gérer et administrer l’indemnité d’assurance, suite à une «perte importante». Cependant, cette notion de «perte importante» n’ayant pas été définie par la loi, les syndicats ont tout intérêt à prévoir, dans la déclaration de copropriété, une définition claire et précise, soit en termes de pourcentage, soit en valeur exprimée, selon le cas d’espèce.

 

Il est généralement reconnu que l’article 1075 C.c.Q. ne laisse aucun choix à l’assureur: l’indemnité d’assurance «doit» être versée au fiduciaire et elle «doit» servir à la reconstruction de l’immeuble, sauf décision de mettre fin à la copropriété, conformément à l’article 1108 C.c.Q.

 

Dans un tel cas, le fiduciaire répartirait l’indemnité d’assurance entre chacun des copropriétaires, en fonction de la valeur relative à leurs fractions, et paierait les créanciers hypothécaires, selon cette répartition. Tout solde serait ensuite remis au liquidateur du Syndicat en même temps que son rapport.

 

Les administrateurs du conseil syndical ont des responsabilités importantes vis-à-vis la collectivité des copropriétaires. Leur devoir d’agir en homme raisonnable, de bonne foi et de façon prudente et diligente dicte leur ligne de conduite. Ainsi, en matière d’assurances, il y a tout lieu de s’adjoindre les services de courtiers compétents et de souscrire toutes les assurances nécessaires aux fins de préserver la copropriété et, il va sans dire, l’investissement des copropriétaires.

 

-------------------------------------------------------------

CondoLiaison, volume 1, numéro 2