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Saint-Laurent, Québec

 

Hypothèque légale et honoraires extrajudiciaires:

UN JUGE SOUSTRAIT LES SYNDICATS DE COPROPRIÉTÉ DE L’APPLICATION DE LA CLAUSE NONOBSTANT

DE L’ARTICLE 2762 DU CODE CIVIL DU QUÉBEC

Élie Boridy, administrateur, Syndicat des copropriétaires du 995 Muir

Arrondissement Saint-Laurent, Montréal


 

Un récent jugement (*) de la Cour Supérieure du Québec, daté du 9 décembre 2009, fournit une toute nouvelle interprétation de l’article 2762 du Code civil du Québec, et cette interprétation est nettement en faveur des syndicats de copropriété qui sont aux prises avec des copropriétaires qui ne paient pas leurs charges communes et dont les unités font l’objet d’une hypothèque légale.

 

L’article 2762 du Code civil du Québec stipule en effet que :

 

«Le créancier qui a donné un préavis d'exercice d'un droit hypothécaire n'a le droit d'exiger du débiteur aucune indemnité autre que les intérêts échus et les frais engagés.

 

Nonobstant toute stipulation contraire, les frais engagés excluent les honoraires extrajudiciaires dus par le créancier pour des services professionnels qu'il a requis pour recouvrer le capital et les intérêts garantis par l'hypothèque ou pour conserver le bien grevé.»

 

Selon le juge, la clause nonobstant qui figure dans le deuxième paragraphe de cet article ne peut s’appliquer à la copropriété divise. Par conséquent, les syndicats de copropriété pourront désormais réclamer les frais d’avocat dans le cadre de l’inscription et l’exécution d’une hypothèque légale.

 

Il est intéressant d’examiner le raisonnement du juge qui fait une nette distinction entre une hypothèque légale inscrite par un syndicat de copropriété pour récupérer des charges communes impayées et une hypothèque conventionnelle sur un bien immobilier dont le but est de garantir une avance consentie par un prêteur (l’hypothèque d’une propriété contractée auprès d’une banque par exemple).

 

«La créance du Syndicat est protégée par une hypothèque légale (2729 C.c.Q); hors cette disposition législative, le Syndicat n'aurait aucun droit de gage sur l'immeuble du copropriétaire en défaut, son seul droit, étant un recours personnel. On constate donc que cette hypothèque est différente par sa nature de ce qui est généralement appelée une hypothèque, soit un droit de gage consenti par convention entre prêteur et emprunteur, par exemple.

 

Autre différence, les frais que le Syndicat engage pour protéger sa créance diffèrent de ceux du prêteur qui a garanti son prêt par une hypothèque. Le Syndicat est constitué pour voir à "la conservation de l'immeuble, l'entretien et l'administration des parties communes, la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble ou à la copropriété ainsi que toutes les opérations d'intérêt commun." (1039 C.c.Q.).

 

L'hypothèque légale du Syndicat vise donc cette finalité et non la protection d'une créance conventionnelle appartenant à une seule personne.

 

Sans ce droit d'exception, le Syndicat pourrait difficilement voir à la conservation de l'immeuble et aux intérêts des copropriétaires.

 

Au surplus, et au contraire du créancier hypothécaire conventionnel, le Syndicat n'a pas eu le choix de son débiteur. Il se retrouve créancier d'un mauvais payeur qu'il est obligé de subir au contraire du prêteur hypothécaire qui a eu le loisir de décider s'il voulait s'engager dans une relation d'affaires avec l'emprunteur.

 

Considérer ces deux créances de la même façon crée une injustice pour les autres copropriétaires qui doivent supporter les dépenses que le mauvais payeur leur impose. Mauvais payeur qui s'est imposé à eux mais qui en devenant copropriétaire s'est engagé à assumer les honoraires qu'on lui réclame aujourd'hui par le biais de la déclaration de copropriété et la transaction.»

 

Certains juristes (**) estiment que, dans cette affaire, le juge a erré avec son interprétation de l’article 2762 du Code civil et que ce jugement ne ferait pas jurisprudence et ne résisterait pas à un appel. Nous estimons, au contraire, que ce jugement découle du simple bon sens et ne fait que rendre justice aux administrateurs de syndicats de copropriété et aux copropriétaires bons payeurs. Ces derniers font souvent face à des copropriétaires délinquants qui entraînent malgré eux les syndicats dans des dépenses extrajudiciaires aussi inutiles qu’irrécupérables.

 

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 (*) Syndicat des copropriétaires de l’Elgin c. Al-Shawa, 2009-12-09, 2009, QCCS 5700 (dossier 500-17-033567-069)

(**) Voir Le bulletin de la copropriété plus au Québec, printemps 2010, 124ième numéro