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Saint-Laurent, Québec

 

COPROPRIÉTÉ: «QUÉBEC DOIT REVOIR LA LÉGISLATION»

Lucie Lavigne (La Presse)


 

La copropriété n'a plus de secret pour Yves Joli-Cœur. Cet avocat spécialisé en droit de la copropriété et cofondateur du Salon de la copropriété de Montréal vient de terminer un nouvel ouvrage sur le sujet: Les copropriétés en difficulté - Constats et solutions France/Québec.

 
Dès les premières pages de ce livre (coécrit avec l'avocat parisien Olivier Brane), on apprend que la situation se dégrade en France. Environ 300 000 appartements en copropriété sont en difficulté. En clair, ils sont situés dans des immeubles montrant un état de dégradation avancée (vitres cassées, ascenseur en panne, etc.).

 

Dévalués, ces appartements sont rachetés par des «marchands de sommeil». Ceux-ci les louent à fort prix à des personnes en situation d'irrégularité. Pire, ces propriétaires douteux ne paient pas les charges communes. Résultat? Faillite du syndicat. Dans certains cas, la seule solution réside dans la démolition de l'immeuble. Ces copropriétés exigent aujourd'hui des centaines de millions d'euros de la part du gouvernement français.
Ciel! Rien de tel au Québec? «Heureusement, non», répond Yves Joli-Cœur. Mais le gouvernement du Québec devrait, selon lui, resserrer les législations concernant la copropriété.

 

«Sans une réforme en profondeur des législations, les copropriétaires risquent de perdre confiance dans la copropriété, dit-il. Et si on ne fait rien, on se dirige vers une situation aussi explosive qu'en France.»

 

Au Québec, le gouvernement est très sensible aux problématiques de la copropriété, assure Philippe Archambault, attaché de presse de Jacques P. Dupuis, ministre de la Justice et de la Sécurité publique du Québec. Le cabinet de M. Dupuis rencontre présentement des groupes concernés par la copropriété, comme l'Association des syndicats de copropriété du Québec, le Regroupement des gestionnaires et copropriétaires, ainsi que la Chambre des notaires.

 

«À l'issue de ces rencontres, un rapport sera présenté. Le ministre prendra alors une décision appropriée», précise l'attaché de presse.

 

Dans le cadre de sa pratique, Yves Joli-Cœur assiste à plusieurs assemblées de copropriétaires. «J'observe parfois des drames humains», dit-il. Exemple? Incapables de faire face à une cotisation spéciale, certains copropriétaires sont acculés à la faillite. Devant d'autres problèmes, certains divorcent ou tombent malades.
«À Montréal, je connais une copropriété où 40% des copropriétaires ne paient plus leurs charges communes», souligne-t-il.

 

Au cours des dernières années, des copropriétés «fragilisées» ont fait les manchettes, au Québec. C'est le cas des Brises du fleuve, phase V, à Verdun, où une partie du toit du garage s'est effondrée. Autre exemple: à l'émission La facture, les copropriétaires d'un immeuble construit en 1982, à L'Île-des-Sœurs, ont vu leurs charges communes bondir de 600$ à 1400$ par mois en trois ans. Des travaux devaient être réalisés de toute urgence, mais le fonds de prévoyance était insuffisant.

 

«Plusieurs immeubles construits entre 1975 et 1990 ont sérieusement besoin d'être restaurés et l'État québécois n'a pas encore réagi à cette réalité, déplore Me Joli-Cœur. Il n'existe aucun encadrement législatif spécifique pour les copropriétés en difficulté.»

 

Pourquoi se comparer à la France?

 La première législation de l'ère moderne en France date de 1938. La loi du 10 juillet 1965 a suivi. Cette dernière a permis la création d'un syndicat de copropriétaires, qui est une personne morale dont la mission est l'administration, l'entretien et la conservation des parties communes d'un immeuble. «Au Québec, on a copié à 90% cette loi de 1965», fait remarquer Me Joli-Cœur. Notre législation a été introduite dans le Code civil du Bas-Canada en 1969, puis en 1994, lors de la réforme du Code civil du Québec.

 

Des problèmes et des solutions

L'un des problèmes identifiés par Yves Joli-Cœur est celui de la piètre qualité et la dégradation des bâtiments en copropriété. À ce sujet, il rappelle que les bâtiments en copropriété de taille importante (qui ont plus de quatre unités de condo superposées), ne sont pas assujettis au Plan de garantie (obligatoire) des bâtiments résidentiels neufs. Des plans facultatifs sont alors proposés.

 

«Ces plans offrent une protection nettement moins généreuse», note l'avocat. Les consommateurs qui achètent un appartement en copropriété divise devraient tous bénéficier d'une protection adéquate et suffisante. «Un condo correspond souvent à l'achat le plus important dans une vie», ajoute-t-il.

 

Autre faiblesse au Québec: l'absence de contrôle de la qualité lors de la construction. «Il est très préoccupant qu'on puisse construire au Québec des tours à condos sans surveillance obligatoire du chantier», soutient Me Joli-Cœur. Il ajoute que le règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs n'impose pas à l'entrepreneur de fournir les plans de l'immeuble tel que construit. «Comment voulez-vous que le professionnel retenu par le syndicat puisse vérifier la conformité des travaux s'il n'a pas de plans et devis de l'immeuble tel que construit?»

 

Outre la construction, il y a aussi la gestion. Un bâtiment en copropriété peut être bien construit, mais son administration peut, elle, laisser à désirer. Cas typique: les administrateurs maintiennent des budgets irréalistes et négligent le fonds de prévoyance. Dans certains cas extrêmes où les finances vont mal, l'assemblée des copropriétaires n'arrive même plus à trouver des administrateurs volontaires. Solution? La Cour supérieure peut en nommer un à la demande d'un copropriétaire. Le syndicat se retrouve ainsi sous tutelle.

 

Enfin, Yves Joli-Cœur rappelle que les tribunaux ne sont pas la panacée à tous les problèmes de copropriété.

 

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