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Saint-Laurent, Québec

 

IMMEUBLES EN COPROPRIÉTÉ: VOTRE FONDS DE PRÉVOYANCE EST-IL SUFFISANT ?

 Gilles Angers (Le Soleil)


 

Vous êtes propriétaire d'un condo, à moins que vous ne soyez sur le point d'en acheter un pour lequel votre choix est maintenant arrêté. Le fonds de prévoyance, destiné à faire face aux réparations importantes de l'immeuble au cours des années, est-il suffisant? Quant au montant prélevé à cet égard, à chaque mois, auprès des copropriétaires, est-il satisfaisant?

 

Par ailleurs, lorsqu'il faudra refaire le pavage du stationnement dans 10 ans ou les fenêtres dans 20 ans, le fonds sera-t-il assez bien garni pour y faire face ou faudra-t-il, pour ce faire, réclamer à chaque copropriétaire une cotisation substantielle qui aura pour effet de troubler leur quiétude, de mettre leurs finances sens dessus dessous et la grogne dans l'immeuble?

 

"L'expérience nous révèle que, dans un grand nombre de cas, le fonds de prévoyance laisse à désirer", déclare l'avocat et président de la section Québec de l'Association des syndicats de copropriété du Québec (ASCQ), Michel Paradis.

 

Le Code civil du Québec (art. 1072) stipule l'obligation pour les copropriétaires de souscrire au moins 5 % de leur contribution aux charges communes au fonds. "Ce n'est pas assez", dénonce Me Paradis. Il est d'avis que l'État devrait impérieusement légiférer pour augmenter ce pourcentage.


Ainsi, pour des frais communs théoriques de 140 $ mensuellement, un copropriétaire ne versera dans le fonds, par l'entremise de son syndicat de copropriété, que 7 $ (84 $ par année) de sa contribution aux charges communes. Il ne viendrait pas à l'idée d'un propriétaire prévoyant d'une maison unifamiliale, dit un observateur, de mettre si peu d'argent de côté pour la rénovation, plus tard, de son toit, de ses balcons ou de ses fenêtres.


Matière à réflexion

Vice-président de l'ASCQ de Québec, Gilles Savoie soutient que ce qu'on ne paie pas maintenant nous rattrape plus tard.


À moins qu'on ne vende l'unité qu'on a et que, ce faisant, on refile "le coût de l'usure" à l'acheteur qui, pour sa part, n'aura pas cru utile avant de signer sa promesse d'achat de consulter les avis de convocation aux assemblées générales des membres des trois à cinq dernières années et les procès-verbaux afférents.

 

"Ces documents en disent long sur l'état du bâtiment, les inquiétudes du conseil de copropriété le concernant, sur les correctifs qui ont été ou non apportés et sur le fonds de prévoyance même", détaille M. Savoie.
Si un procès-verbal rend compte d'une infiltration d'eau et du concours d'un ingénieur, suppose Me Paradis, il y a là matière à réflexion.


Cependant, l'ignorance de la situation du fonds ne peut être assimilée à un vice caché aussi bien que les réparations à effectuer à la copropriété. Généralement, du moins. "En fait, le tribunal, le cas échéant, doit établir si l'acquéreur s'est acquitté avec diligence et prudence de son devoir de s'informer."

 

Comme à l'hôtel

Dans un immeuble en copropriété, "c'est la vie d'hôtel" qu'on mène, continue M. Savoie. Mais cela a un coût. Il faut entretenir et mettre de l'argent de côté pour les réparations majeures liées à l'usure normale.

M. Savoie croit savoir que, dans bon nombre de syndicats, les frais communs sont fixes des années durant. "Si, au moins, ils étaient indexés suivant le taux d'inflation ou l'indice des prix à la consommation, leur valeur serait maintenue", pense-t-il. Autrement, il y a déchéance du fonds par perte de pouvoir d'achat.


Opposition

Bien souvent, dans les syndicats, les gens qui croient au bien-fondé d'un fonds bien fourni doivent se débattre contre ceux, souvent nombreux, qui n'y voient pas l'intérêt.


"Ceux qui, dans la copropriété, ne sont que de passage, militent d'ordinaire contre. La hausse du fonds de prévoyance ne les intéresse donc pas", regrette Me Paradis.


Président pour l'ensemble du Québec de l'Association des syndicats de copropriété, Michel G. Charlebois trouve curieux que les particuliers qui achètent un condo aient une disposition naturelle à penser que "le toit de l'immeuble n'use plus, les fenêtres ne se détériorent ou ne se salissent plus, ou que le gazon arrête de pousser". C'est pourquoi plusieurs sont âpres au combat pour cotiser le moins possible.


En revanche, si on demande soudainement aux copropriétaires "de contribuer pour 25 000 $ voire davantage pour le remplacement impérieux du toit et la réparation de dommages à l'immeuble causés par l'eau", ils n'en mèneront pas large. Plusieurs se sentiront anéantis, spécialement ceux qui, dans la planification de leur retraite, n'avaient pas prévu pareil revers.

 

"Le fonds de prévoyance a justement pour objet de faire en sorte que pareille catastrophe financière personnelle ne se produise pas", dit M. Charlebois.

 

Néanmoins, même si le fonds est insuffisant, il faut réparer. "D'autant qu'à l'issue de la vente de son logement, on en récupérera au moins une partie", selon lui.

 

"En temps normal, vous l'auriez vendu, suppose-t-il, 135 000 $. Mais l'acheteur acceptera de vous en donner 150 000 $ compte tenu de la remise à neuf."

 

"En fait, un immeuble bien entretenu avec un bon fonds de prévoyance est une valeur économique sûre", déclarait, de son côté, Gratien Dubé, courtier immobilier de Québec et membre du bureau de direction de la Chambre immobilière de Québec.

 

Plan d'entretien

Mais pour que le bureau de direction d'un syndicat de propriété puisse bien se gouverner quant à l'entretien à moyen et long termes de l'immeuble et quant au fonds de prévoyance nécessaire à cette fin, il doit, selon M. Paradis, s'appuyer sur un plan d'entretien préventif.


Il peut être fait par un ingénieur, un architecte ou un évaluateur agréé. Les honoraires, pour pareil travail, sont d'environ 1500 $, 2000 $ tout au plus.

 

Ce plan tient compte de l'âge et de l'état du bâtiment, des termes pour la réparation de la chaussée ou de la maçonnerie, le remplacement du toit, des fenêtres, des chauffe-eau et des moquettes, la remise à neuf des ascenseurs, le rajeunissement du hall d'entrée. Il est aussi indispensable pour déterminer la valeur du bâtiment pour sa couverture d'assurance proportionnelle.

 

Enfin, M. Savoie suggère aux syndicats de copropriété de transférer dans le fonds de prévoyance, à la fin de chaque année financière, le surplus, s'il y a lieu, du budget des dépenses courantes. "Il s'agit d'un moyen de plus pour éviter, sinon atténuer les cotisations spéciales pour les gros travaux", conclut-il.